Hirschmann est un jeune DJ fondateur du collectif Eclipse Collective créé en 2014. Résident sur la radio bordelaise Ola Radio, ce dernier produit des sons innovants aux styles techno, acide, électro et downtempo. Récemment, il a signé sur une double cassette chez Tustance, le label de Narcisse avec son track “Atmosphère Ésotérique”. Il crée même son premier EP de trois titres “Aux destins isolés” dont la sortie est prévue pour le 15 mai 2020 en digital et le 28 mai physiquement. C’est avec un immense plaisir qu’Hirschmann a accepté de répondre présent à l’interview pour Feather.
Bonjour Hirschmann, pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ainsi que tes projets ?
Hirschmann est l’alias que j’ai trouvé il y a maintenant 6 ou 7 ans quand j’ai commencé à vouloir mixer ce que je découvrais et plus seulement l'écouter. Je bosse avec quelques personnes qui gravitent autour de moi et m’aident beaucoup dans mes projets. Sans eux, je n’en serais pas là, c’est certain. Pour Hirschmann, il fallait que je trouve un nom, et j’ai toujours admiré, pour je ne sais quelle raison, la figure du cerf (pas qu’à cause du Jägermeister non...). À l’époque aussi la techno gravitait quasi-exclusivement qu’autour de Berlin (pas que bien entendu, disons que la résonance venait généralement de là), ça m’a inspiré. Ajouté à cela la figure de l’homme-cerf dans la série Hannibal que je regardais à l'époque, un Google traduction maladroit de homme-cerf (Mann-Hirsch) ; ça sonnait mal alors j’ai inversé et je me suis dit tiens, ça passe. Ça c’est la vraie histoire ... hahaha.
Pourquoi t’être lancé dans la musique électronique ?
La musique a toujours eu une part importante dans ma vie, au niveau émotionnel surtout. J’ai toujours cherché à transcrire ce que je n’arrivais pas à dire, au début avec la guitare, puis avec la MAO. J’ai découvert tout un monde des possibles, c’était pas évident de passer d’un instrument physique qu’on touche, avec les effets sous le pied, à un clavier qui fait pas de son et une souris sur un écran. Mais petit-à-petit, à force de tuto, j’ai fini par trouver un chemin qui me plaisait et c’est là que l’envie s’est redoublée. Finalement ce premier EP est totalement dans cette volonté de poser musicalement des émotions.
Quelles sont tes influences musicales ?
Mes influences tiennent principalement autour du rock et des groupes comme Pink Floyd, The Doors, Nirvana, The Rolling Stones, Jack White et tous ses projets... Et de l’autre côté, c’est toute la scène downtempo, acid, et electro avec des gars comme Anatolian Weapons (qui signe le remix d’un morceau), Gamma Intel, les labels Knekelhuis, Pinkman, le Salon des Amateurs entre autres... C’est difficile de cerner plus précisément parce qu’il y en a beaucoup mais les influences majeures sont là.
Et pour cet EP, comment le décrirais-tu au niveau du genre ?
Je dirais que le grand style en général c’est la techno, mais j’aime écouter et jouer des musiques un peu plus lentes qu’on qualifie généralement de downtempo. J’ai un grand penchant pour l’acide et l’électro également. Pour cet EP en revanche, ça sort totalement des carcans que j’ai l’habitude d’explorer, je n’ai pas vraiment d’idée ou d’étiquette fonctionnelle pour qualifier ça, c’est un peu downtempo globalement, il y a des tendances industrielles, et encore c’est vite dit. Il y a quelque chose de contemporain peut-être avec ces pianos et ces cordes, les field recordings... On peut aussi y accoler le terme de musique leftfield, hors-champ.
Ton premier EP “Aux destins isolés” est prévu pour le 15 mai 2020 en digital, peux-tu nous en parler en détail ?
Cet EP est parti d’une composition au piano, un truc assez “contemporain” que j’avais fait d’une traite, pour essayer, et qui n’est pas sur l’EP. Je ne suis pas pianiste pour un sou, mais j’ai voulu continuer avec un peu de post-production pour voir où ça pouvait aller. De là, j’ai eu envie d’explorer ce côté piano avec le temps du confinement. C’était une idée comme une autre au début, j’ajoutais des drums, je m’amusais, et j’ai reçu un enregistreur, et de nouvelles idées apparaissaient. J’ai donc voulu mettre en avant des field recordings que j’ai réalisé avec mon Zoom H4N. C’était assez intéressant pour moi car c’était la première fois que j’appréhendais cette manière de voir les choses, et je repensais à AGGBOROUGH avec qui je discutais il y a quelques années qui avait sorti un label où les tracks d’un même EP étaient composées à partir des mêmes enregistrements. Dans les deux morceaux que j'ai produit on peut donc entendre des ambiances du jardin de mes parents à la campagne, ou le bruit d’un joint que je roule, allume et fume... C’est également ma voix et un court poème que j’ai écrit que l’on entend dans le morceau “Le hasard de la danse”. J’ai utilisé des cuillères, mon cran d’arrêt, un briquet, du verre pour faire des percussions, des pas dans l’escalier aussi, j’ai tenté d’enregistrer une abeille charbonnière mais ce n’est pas évident. C’est vraiment orchestré autour de l’expérimentation de base. Au fur et à mesure des morceaux, j’ai fini par ne garder que ces deux-là, et ce sont les deux derniers que j’ai composé d’ailleurs. Anatolian Weapons est un producteur grec avec qui on discute pas mal, et quand je lui ai fait écouter l’EP il m’a tout de suite encouragé à continuer et s’est proposé pour remixer “Le hasard de la danse” qui lui a particulièrement plu. Il en livre une version profonde, intense, ésotérique au possible, virant sur l’aspect club avec des nappes acides qui prennent aux tripes et emmènent pour un voyage saisissant. C’est toujours fascinant de découvrir la vision de quelqu’un d’autre sur un projet personnel, et il réussit particulièrement bien l’exercice. Je suis clairement admiratif de son boulot en général, en tant que producteur et DJ.
Et la sortie physique, peux-tu nous en dire plus ?
Pour cet EP, j’ai décidé de produire quelques cassettes afin de marquer le coup, pour avoir un objet physique, quelque chose de plus qui reste dans le temps qu’une pochette sur iTunes ou Bandcamp. Il y aura donc une trentaine de cassettes maximum, numérotées à la main, une très très courte édition pour un objet un peu rétro. La pochette est réalisée par un ami proche, Alexandre Tanchoux aka TXX Design (je lui ai promis de la visibilité et une quille de rouge), et la photo utilisée est d’un de mes meilleurs amis, Jordi Adoue, qui me suit avec Eclipse depuis nos débuts. Blurred Boy a réalisé le mastering sur cet EP également, je l’ai rencontré il y a quelques années, et j’ai voulu l’inviter pour les 5 ans d’Eclipse mais la crise sanitaire a eu raison de l’événement, ça nous a malgré tout permis d’échanger un peu sur le projet et c’était vraiment intéressant d’avoir l’avis d’un producteur aguerri.
Qu’évoque pour toi le titre de l’EP “Aux destins isolés” ?
« Aux destins isolés », c’est une manière de parler de ce que je ressentais après des événements compliqués à gérer émotionnellement. J’avais un sentiment d’isolement flagrant et le confinement n’arrangeait rien de prime abord. Ce n’était d’ailleurs qu’un sentiment, et c’est à travers l’idée de destin et de fatalité, dont j’ai beaucoup parlé avec quelqu’un qui était très présent pour moi à ce moment-là alors même qu’on ne se connaissait que peu, que j’ai voulu transcrire cela. Finalement, ça devait se passer ainsi, et c’est comme ça que ça doit se faire. C’est cet isolement qui a pu me laisser le temps de me ressaisir et d’avancer, de faire le point et de rebondir. Cet EP est finalement l’aboutissement du processus que je devais poursuivre, achever.
Avant de se quitter, peux-tu nous parler de l’impact du confinement sur tes projets et ton travail ?
Le confinement m’a permis de me concentrer sur moi-même d’une part, c’était pas la période la plus facile pour moi depuis le début de l’année au plan personnel, donc j’ai su tirer profit de cette distanciation sociale pour me retrouver. J’ai aussi pu me concentrer réellement sur la musique, de prendre le temps de travailler des techniques, de faire des tutoriels pour apprendre davantage de choses, d’expérimenter, de faire un EP même. J’ai la chance d’avoir un boulot à côté de la musique qui fait que l’impact du confinement et de l’arrêt des événements sur ma vie est bien moindre que d’autres acteurs du secteur culturel et événementiel qui sont touchés de plein fouet.
Manon VINCENT I 06.05.2020
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