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Immersion dans l'exposition Paradoxe

Dernière mise à jour : 9 mars 2022

Lieu unique dédié à l’art, à l’artisanat et au design, la Maison Galerie Laurence Pustetto, située au cœur de Libourne, est un véritable écrin pour défendre les artistes, confirmé.e.s ou en devenir. Les œuvres du peintre Arthur Hoffmann et de la plasticienne Riet van der Linden y seront exposées, à partir du 11 mars 2022, pour l’exposition Paradoxe.

Feather a pu s’entretenir avec les artistes pour en apprendre un peu plus sur leur travail et la genèse de l’exposition.

© Omar Barmada et Marine Foni

La Maison Galerie Laurence Pustetto


Au-delà d’une vitrine d’exposition, la Maison Galerie créée en 2020 par la collectionneuse passionnée qu’est Laurence Pustetto incarne un lieu à l’identité forte, où l’art se vit comme une expérience riche, où l’émotion compte. La singulière identité du lieu est le fruit de l’expérience remarquable de Laurence Pustetto.

Laurence Pustetto © Eva Sanz

Designer costume, décoratrice pour l’opéra, la danse, le cirque et le théâtre, elle se démarque à travers ses scénographies poétiques qui la mèneront à de nombreuses collaborations pour de grandes maisons de luxe et institutions et au titre de directrice artistique. Elle met son savoir-faire à l’honneur dans cette maison du XIXe siècle qu’elle transforme en un lieu d’effervescence artistique, univers à part entière où l’esthétique qui se dessine est valorisée par une mise en scène d’oeuvres, d’objets et de mobilier, design ou chiné, minutieusement choisis. La sensibilité de l’hôte, sa vision de l’art, son amour pour l’artisanat et son goût pour l’architecture dialoguent dans un espace conçu à la fois pour mettre en lumière les artistes et la matérialité de l'œuvre qu’elle défend, ainsi que pour vivre et recevoir.


Femme influente, nommée parmi les 100 femmes de Culture par le Ministère de la Culture en 2021, Laurence Pustetto participe à ancrer sa galerie en Gironde en établissant des partenariats avec les acteurs locaux, autant qu’à défendre les artistes qu’elle expose dans une perspective plus large alors qu’elle prépare sa participation aux salons d’art contemporain.


L’exposition PARADOXE


Le 12 mars, à l’aube du printemps, Paradoxe nous parle de couleurs. Des géométries graphiques de Riet van der Linden, aux parfaites plages colorées d’Arthur Hoffmann, des jeux optiques graphiques au flou hypnotique, de la brutalité au velours de la matière, les deux artistes audacieusement contemporains bousculent les codes de l’art pour exprimer les réalités décalées et paradoxales dans lesquelles notre société évolue.

L'œil aiguisé de Laurence Pustetto a réuni ces deux artistes aux horizons et aux influences très différents, pourtant unis par la couleur et la puissance de leurs œuvres.

Arthur Hoffmann, peintre parisien largement influencé par la scène artistique underground de la capitale berlinoise où il a suivi ses études d’art, nous invite à une réflexion sur les frontières entre réalités matérielles et virtuelles grâce à une technique picturale qui offre un résultat hypnotique, proche de l’écran numérique.


Riet van der Linden, néerlandaise installée en France depuis plus de vingt ans, a multiplié les expériences immersives à l’étranger. Elle investit le matériau pauvre qu’est le carton, symbole planétaire de la consommation, et paradoxalement de l’adaptabilité des humains qui par besoin en détournent l’usage pour s'isoler du froid ou de la pluie, et le transforme en œuvre totémique brutaliste grâce à la peinture et à une réflexion sur sa structure.


Rencontre avec les artistes : interviews croisées


Au téléphone pour Arthur et directement dans son atelier à Bourg-sur-Gironde pour Riet, nous avons eu la chance de nous entretenir avec les artistes pour qu’iels nous parlent un peu plus de leur travail.


En une phrase, c’est quoi ta définition de l’art ?

Arthur : Hum c’est pas simple… Pour moi, je vais te répondre du côté de l’artiste, l’art c’est avant tout le besoin vital de créer.


Riet : C’est ma vie, c’est ce que je fais, ce que je préfère faire.

© Loïc Madec

Tu peux nous décrire ce que tu fais ?

Arthur : Je suis peintre, en premier lieu. C’est vraiment de la peinture. Je m’attaque à la peinture, au sens de l’histoire de l’art, d’une manière très contemporaine. J’essaye d’actualiser la peinture qui est en fait un des arts les plus ancestraux.


Riet : Depuis les dix dernières années, je m'attache à recycler les matériaux qui m’entourent, autour de moi ou quand je marche dans la nature. Je ne pensais pas faire des sculptures, puis je suis allée m’installer à Shenzhen en Chine. Je marchais beaucoup là-bas, et dans la rue je voyais du carton, absolument partout. Je l’ai ramené à la maison et j’ai commencé à le peindre. C’était la première fois que j’utilisais de la peinture en fait. J’ai aperçu les innombrables possibilités du carton, ses formes structurelles, cette logique basique de composition, puis j’y ai ajouté des couleurs. J’ai connecté la raison avec les sentiments. Il y a beaucoup de sortes de carton différentes, les sensations avec le pinceau sont multiples ce qui rend la chose encore plus intéressante. Mais c’est surtout cette structure qui me guide, je ne ferai jamais d’art abstrait sans cette base logique, cette structure.

© Jane Doe

Comment s’est construite cette exposition avec Laurence Pustetto ?

Arthur : Un collectionneur avec qui j’ai l’habitude de travailler a présenté mon travail à Laurence. Elle a été intriguée et on s’est rencontré dans une galerie où j’expose à Paris, on a discuté de ce que pourrait être l’expo. On s’est entendu et j’ai travaillé à l’atelier sur de nouveaux tableaux pour l’expo.


Riet : Je suis allée la voir à la Maison Galerie et je lui ai montré ce que je faisais. Elle s’est montrée très intéressée et elle est venue ici [dans l’atelier de Riet à Bourg, ndlr] pour en voir un peu plus. Elle a acheté une de mes œuvres et m’a dit : « J’aime vos couleurs ! J’aimerais faire une exposition avec vous. ». Elle a ensuite connecté avec le travail d’Arthur, et malgré notre style et nos processus de création complètement différents, nos couleurs nous ont unis je crois.


Sur toi et ton cheminement, qu’est-ce qui t’a poussé à faire ce que tu fais, à t’exprimer à travers l’art ?

Arthur : Je ne me suis pas dit : « tiens je veux devenir un artiste », mais je voulais vraiment peindre, c’est une envie qui a germé tôt. J’ai grandi à Paris où la scène urbaine et street art m’ont inspiré, j’avais envie de participer à cette effervescence, à la peinture dans la ville. Je me suis mis à peindre, sur toile et sur mur. J’ai assez vite délaissé la peinture dans la rue, j’ai eu une formation très scolaire, plutôt classique, « Beaux-arts », hors du monde de la rue. J’aime beaucoup l’énergie de l’art de rue, mais j’expose maintenant plutôt en galerie et je me rends compte que ça représente mieux mon identité plastique.


Riet : Je voulais d’abord être écrivaine, j’ai étudié à l’université pour ça, j’ai fait partie d’un mouvement féministe grâce à une revue dont j’étais cheffe éditrice, j’ai même écrit des nouvelles. Mais ça ne me rendait pas heureuse. Quand j’ai commencé à m’exprimer à travers les arts plastiques, ça m’a rendue heureuse. J’ai la chance de beaucoup voyager aussi, et c’est une manière de communiquer, il n’y a plus la barrière de la langue, on se fait des ami.e.s.


Qu’est-ce que ça apporte de voyager, de vivre à l’étranger, dans ta démarche artistique ?

Arthur : J’ai fait mes études d’art à Berlin, ça m’a tellement apporté. J’étais plongé dans le milieu de la création émergente berlinoise, j’étais entouré de plein d’autres passionnés, de jeunes artistes, on passait notre temps dans les galeries. ça m’a apporté une vision très différente du processus créatif que celle que je pouvais trouver à Paris : beaucoup plus expérimental, plus trash, plus cru. Aussi à Berlin, il y sept ans environ, l’art et la communauté LGBTQIA+ étaient largement connectés, beaucoup plus qu’à Paris à l’époque, et j’ai complètement découvert cette communauté qui n’était pas la mienne, cette autre vision, ces projets tellement décalés, c’était génial. Je dois dire aussi que l’architecture post URSS, si différente de la France, m’a véritablement marqué, ça m’a passionné, d’une manière très positive. Berlin a été la ville où j’ai pu expérimenter mon art, m’ouvrir, apprécier des choses originales.


Riet : M’installer en Chine a été vivifiant, et très inspirant. J’ai communiqué différemment, à travers mon art, je me suis fait des ami.e.s comme ça.

© Jane Doe

Jouons à un petit jeu de curiosité sur tes inspirations…


Une couleur qui t’inspire ?

Arthur : Le gris m’inspire. C’est ma teinte avec laquelle je travaille comme base sur mes peintures, c’est mon alliée qui permet d’anesthésier les peintures, qui me permet d’obtenir les peintures très froides que je recherche. Sinon le jaune fluo, le orange fluo…


Riet : Les couleurs primaires je dirais. Le bleu, le jaune, le rouge, le noir, le blanc. Je suis très inspirée par le mouvement stijl, à la Piet Mondrian. C’est surprenant à quel point ça reste actuel, même cent ans plus tard. Je joue avec ça.


Une musique qui t’inspire ?

Arthur : Ce serait plutôt un genre, le hip-hop. C’est ce que j'écoute en travaillant.


Riet : Ce serait plutôt un son, comme une méditation. Les mélanges entre sonorités africaines et occidentales m’intéressent aussi, ou même les classiques comme Bach, ou le jazz. Mais ce serait plutôt ces bruits, ces sons qui m’inspirent, attendez je vais vous faire écouter… [Riet nous fait écouter des sonorités lentes et méditatives, presque dissonantes, ndlr].


Un.e artiste qui t’inspire ?

Arthur : Wolfgang Tillmans. C’est un photographe contemporain basé à Berlin, c’est une superstar dans le milieu de la photo. Il fait un travail de photo abstraite, c’est très expérimental.


Riet : Je ne peux pas penser à une personne, à un nom. Louise Bourgeois, mais tellement d’autres, du passé, du présent. Je ne peux pas donner de nom, en revanche une démarche d’art abstrait, pas figuratif, mais avec un côté structuré, matériel.


Une cause qui t’inspire ?

Arthur : Mon travail n’est pas vraiment politisé, donc ce ne serait pas une cause, mais plus une constatation des problèmes engendrés par une société du « tout numérique ».

Riet : Mes ami.e.s, je ne pourrais pas vivre sans elleux. Mes chiens, mon adorable mari, me promener dans la nature, les saisons qui passent, l’art, la littérature, lire, aussi regarder des films, et Youtube, on trouve tellement de choses passionnantes sur Youtube. Beaucoup de choses ensemble en fait, et puis des coïncidences. Mais je crois surtout que j’ai été chanceuse. Vous devez aussi avoir de la chance, et vous devez être prêt.e à saisir votre chance quand elle se présente.

© Loïc Madec

Quel serait ton conseil pour des personnes qui se sentent illégitimes à fréquenter les galeries ou à parler d’art, par peur de manquer de connaissance, ou d’expertise ?

Arthur : C’est drôle j’en parle souvent avec ma famille. L’art, et l’art contemporain notamment, est souvent mal compris, on le qualifie de supercherie, ou qu’on ne peut pas comprendre. Mais c’est destiné à tous.tes, les artistes veulent ça en tout cas. Les démarches sont parfois peut-être difficiles à comprendre, mais il suffit d’aller voir, de désacraliser ce milieu parfois trop prétentieux, dans une optique de curiosité. Puis ça viendra, avec l’expérience !


Riet : Je pense qu’il faut commencer par créer soi-même, comme ça on se sent plus impliqué.e. On développe une vision tout à fait différente quand on s’y met aussi, il faut se l’approprier, et passer au-dessus de ce qui est ennuyeux ou prétentieux.


L’art c’est aussi très personnel, tu peux nous partager un retour sur ton travail qui t’a marqué ?

Arthur : Récemment j’exposais dans une galerie dans le marais, la galerie Bertrand Grimont. Juste en face il y a une laverie. Je voyais depuis la fenêtre un grand type assez imposant de l’autre côté de la rue, il ne s’apprêtait pas à rentrer mais il avait le regard curieux. Je suis sorti fumer une clope et on s’est mis à parler, il ne savait pas que c’était mes tableaux, pourtant il m’a dit : « ce tableau là-bas, il m’apaise ». C'est pour ces réactions que je fais ce que je fais, ça fait toujours quelque chose.


Riet : Un jour, un homme a voulu m’acheter trois sculptures et m’a demandé leur prix. J’ai répondu 1000 euros. Il m’a demandé si c’était 1000 euros pièce, ce à quoi j’ai répondu : « non, 1000 euros les trois », et il s’est mis à pleurer de joie. De manière quelque chose, quand quelqu’un.e achète une de tes œuvres, ça fait quelque chose, comme un accomplissement.

© Jane Doe

Arthur Hoffmann intégrera cet été un collectif artistique marseillais, Pour que Marseille vive, qui travaille au sein d’un superbe château au bord de la mer, un lieu génial, jeune et hétéroclite ! Aussi, vous pouvez le retrouver aux Ateliers Klandestin à Colombes, où il travaille avec ses potes dans une ancienne imprimerie réhabilitée où les 6000 mètres carrés sont divisés en plusieurs ateliers et où une halle est dédiée à des expos. Un chouette tiers-lieu créatif ! N’hésitez pas à suivre ses actus sur sa page Instagram.


Riet expose ses œuvres dans son atelier intimiste et chaleureux à Bourg-sur-Gironde, au bord de la Garonne. Elle a aussi une page Instagram où elle partage ses actualités !


Encore un grand merci à Arthur et à Riet d’avoir accordé ces interviews à Feather, c’était un plaisir de vous rencontrer ! On a hâte de découvrir l’exposition Paradoxe : vernissage le 11 mars à la Maison Galerie Laurence Pustetto à Libourne.


Infos Pratiques

Maison Galerie Laurence Pustetto

83 rue Thiers, 33500 Libourne

Exposition Paradoxe

Du 12 mars au 15 mai 2022

Plus d’infos et horaires d’ouverture juste ici

 

Coline Tauzia | 24.02.2022

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