Vous l’avez sûrement déjà entendu lors de son feat avec Vladimir Cauchemar, sur le titre Dancer, Alyona Alyona c’est le futur du rap féminin. Avec un flow ultra explosif, elle aborde avec engagement dans ses textes son Ukraine natale mais aussi les sujets de société.
Lors de son passage au festival le Cabaret Vert, dans les Ardennes, Feather a eu la chance d’échanger avec elle.
Comment s’est passée la transition de professeur à rappeuse ?
C’était rapide ! (rires) En réalité, cela fait depuis 10 ans que je rappe. C’était juste un passe-temps, puis tout s’est accéléré d’un coup, un jour. Je pense que les enfants m’ont donné la possibilité d'expérimenter l’amour pur : le genre d’amour qui ne coûte rien. Juste soit heureux, soit gentil, voit la beauté partout…
Mon rap a également subi des transformations au fil des années. J’ai arrêté de rapper à propos de la drogue et autre, les choses mauvaises quoi… Et c’est à ce moment-là que les gens ont commencé à m’écouter !
Aujourd’hui, les enfants qui m’écoutaient à mes débuts ont grandi ! Ils sont au collège ou au lycée et ils sont fiers ! Ils disent “yeah c’était ma prof à l’école primaire ça” (rires) Sur Tiktok notamment, c’est marrant !
Quelles sont tes influences pour l’écriture et la musique ?
Les gens normaux ! J’écoute souvent leurs histoires, ils parlent de leurs expériences dans pleins de domaines, leur travail, leurs sentiments, leur famille etc… ça m’inspire beaucoup ! J’écris en prenant des morceaux de chaque histoire et je les réunis pour en faire une chanson. Et évidemment je suis aussi inspirée par les événements actuels dans mon pays… Je ne peux pas ignorer ce sujet.
Mes chansons ont trois thématiques. Premièrement une thématique sociale, comme le body positive, les droits des femmes, les choses difficiles dans la vie, les gens etc... Deuxièmement une thématique patriotique ; il faut aimer les enfants, ton pays. Aimer au sens large mais pas de manière lyrique. Et troisièmement c’est juste des chansons cool, pour danser, sourire et chiller.
Dans les artistes qui m’inspirent, j’adore Princess Nokia, Lizzo. J’aime beaucoup Peaches, c’est une artiste underground d’il y a 20 ans, super barrée. Sinon il y a Alicia Keys qui fait partie de moi car elle a toujours écrit de belles chansons.
Certains artistes m’ont appris à être engagée politiquement, climatiquement… Certains artistes m’ont appris à être badass, sans complexes et certains m’ont appris comment faire des shows incroyables. Le dernier show incroyable que j’ai vu et surement un des plus beaux, c’était Stromae. J’étais la "WTF".
Comment fais-tu pour t’imposer dans le milieu du rap (très masculin), est-ce plus difficile?
Je pense que si on parle de l’histoire de l’Ukraine, la place des femmes est énorme. Dans notre peuple ancestral, les cosaques, les hommes partaient en guerre et les femmes s’occupaient de tout le reste, les enfants, les maisons, les animaux etc… Les femmes étaient fortes !
Quand j’ai commencé à être connue, il y avait de la place pour des rappeuses. Les gens avaient besoin de femmes fortes, qui bousculent les codes. Tous les hommes n'acceptent pas cette place accordée aux femmes dans le rap, car ils se pensent plus préparés que moi, plus doués etc… Alors que non !
C’est ta première fois en France ?
Non ! J’ai déjà fait des festivals en France comme les Trans Musicals en 2019.
Aimes-tu le public français ?
Oui, j’adore ! Les gens sont super sympa ! Ils ne comprennent rien à ce que je raconte par contre (rires). Quand je parle entre deux chansons par exemple !
En gros, ils ne comprennent pas mes paroles et chansons en ukrainien, et quand je parle anglais, ils applaudissent juste donc je me dis “ok ils ont l’air d’aimer” (rires).
Comment en es-tu arrivée à faire ce feat avec Vladimir Cauchemar ?
J’en sais rien !! (rires) Il m’a follow sur insta. Quand je vois des gens qui me follow avec la petite bulle bleue à côté de leur prénom, je like toutes leurs photos (rires). J’ai aucune idée de comment il m’a trouvé à la base sur Instagram ! Puis on s’est écrit en mode “et si on faisait un truc ensemble ?” Puis il m’a envoyé un son et j’étais la “wooow”
Comment te sens-tu de manière artistique vis à vis de la guerre ? Tu utilises ta voix pour te faire entendre ?
Absolument oui ! C’est pour cela que je suis ici aujourd’hui ! J’ai la possibilité de prendre un micro et dire “ premièrement merci aux gens pour leur aide, leur accueil et ne nous lâchez pas car nous sommes vraiment un pont entre l’Europe et la Russie. Si la Russie nous prend, elle peut faire la même chose à tous les pays européens”
Je montre aussi qu’on est capable, nous ukrainiens de faire de belles choses, de beaux shows. Par exemple, il y a 3 ans, à la fin d’un concert, quelqu’un est venu pour faire une photo avec moi et m’a dit “merci pour ton rap russe”. J’étais là “mais non je viens d’Ukraine, c’est pas la même langue”. Maintenant, les gens voient cette différence, ils comprennent que la langue n’est pas russe, que la mélodie n’est pas russe et que cette énergie n’est pas russe !
Comment te vois tu dans 10 ans?
J’ai 31 ans. Avant je vivais toujours en ville, toujours sur la route à courir partout pour faire milles choses. Cette guerre nous a changés. On pense différemment au futur et à ce qui est important dans la vie. Pas ta carrière, ton argent, ta musique… mais ce que tu es en temps que personne. Moi je pense que je n’habiterai plus jamais dans une grande ville. j’irai dans un endroit plus calme et paisible. Juste faire mes tournées puis rentrer.
Genre faire mes interviews en Facetime, depuis chez moi ! En festival c’est cool de se rencontrer. Je veux juste passer plus de temps avec moi-même et ma musique. Je crois que ça m’a profondément changé, et ma musique également.
Je veux juste la paix, plus de problèmes, de guerre, de stress… j’essaie de plus m’écouter à présent.
Merci encore à Alyona Alyona pour sa bonne humeur et son énergie incroyable lors de cette interview et plus tard dans la soirée lors de son concert !
Emma Seintouil I 07.09.2022
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