A l’occasion de la sortie de son 5e album « Talisman » le 24 février prochain et du « Talisman Tour » qui débutera début mars, nous avons rencontré le caennais Fakear qui parcourt les clubs du monde entier. Désormais figure incontournable de l’électro française, Théo Le Vigoureux revient aux sources de sa musique, à l’essence de son projet avec son label d’origine Nowadays. Il sera au Krakatoa à Mérignac le vendredi 10 mars 2023 !
Salut Fakear. Avant toute chose, comment vas-tu ?
Ça va. C’est énorme la charge de travail juste avant la sortie de l’album le 24 février prochain, donc j’ai choppé une belle crève… Mais sinon tout va bien, j’ai carrément le moral et je bois de la tisane (rires).
Peux-tu nous décrire ton nouvel album, « Talisman », en quelques mots ?
Je pense que finalement toute la direction artistique prise autour de cet album parle d’elle-même. Je dirais que « Talisman » est un album rocailleux, minéral. Il forme un véritable triangle avec « Animal » (1er album, juin 2016) et « Végétal » (EP, 2016). Concernant ma création, il est plus libre. Je l’ai composé en étant beaucoup plus détaché de mes références initiales. Il est aussi plus spontané, enfantin, joyeux dans la mesure où il conclut une période sombre avec la Covid. Il porte quelque chose relevant du renouveau et de l’espoir. Ce qui était annoncé par l’album précédent « Everything will grow again » (beaucoup plus introspectif, expérimental, électronique) est en train de se passer.
Le talisman est un objet portant des signes et qui possède des vertus magiques. Souhaites-tu que ton album devienne un de ces objets ayant un pouvoir sur ton public ? Quelles vertus souhaites-tu lui donner ? Pourquoi ce choix de titre ?
Personnellement, je fais de la musique dans ce but-là : celui de me faire du bien et d’en faire aux autres, et non pas pour réfléchir. Je suis un gros gameur (rires) alors tu sais, dans un jeu multijoueur en ligne tu as des rôles très définis quand tu fabriques une team : le mec qui attaque, celui qui défend et celui qui soigne. Moi je suis ce dernier : le mec fragile, derrière les lignes qui soigne, une sorte de druide. « Talisman » a cette fonction-là. C’est un objet de soin, relié aux cristaux et aux pierres à qui on attribue ces fonctions. J’aimerais qu’il soit le soin que je cherche et que j’encourage, celui de se détacher des attentes de la société et de questionner le modèle dans lequel on vit. Cet album est une bulle à part pour se réfugier, dans laquelle tu peux être ce que tu veux sans être soumis aux codes.
En quoi estimes-tu que ce nouvel album soit un retour aux racines de ta musique ?
Tout d’abord parce que j’ai retrouvé mon environnement en étant de retour chez Nowadays ! Mes deux albums précédents, « All Glows » (2018) et « Everything will grow again » (2020) ont été faits chez Universal, qui est une machinerie beaucoup plus grosse, de laquelle je ne venais pas à l’origine. Avec ce dernier album, j’ai intégré le fait que ce que je fais spontanément se suffit à lui-même. C’est par cela que le lien avec mes premiers albums est évident, ils sont tous les trois créés dans cette innocence.
J’ai fait la démarche psychologique de comprendre l’essence de ma musique. On tourne autour du pot mais voilà il faut se l’avouer c’est l’album de la maturité (rires). L’âge aidant aussi, tu ne te poses plus les mêmes questions qu’à 20 ans, tu arrives à la trentaine et tu ne veux plus faire comme les autres mais plutôt laisser parler le naturel. Parce que je me tordais pour fitter dans un certain style, je n’étais pas très bien, puis j’ai lâché : « Talisman » est sorti. Ce fut un soulagement. J’ai pu assumer toutes les caractéristiques de la musique de Fakear de manière hyper paisible à nouveau.
A travers tes morceaux, des influences diverses sont identifiables. Dans l’ensemble, ta musique « chill out » est une électro voyageuse qui nous transporte à travers le globe. D’où viennent ces influences très orientales ?
Il faut savoir que c’est vachement connecté à l’imaginaire car j’ai du mal à attacher à une zone géographique réelle ce que je fais et les sons que je vais emprunter. C’est leur faculté à me lancer dans un imaginaire précis qui m’intéresse. L’Orient en est hyper chargé, chaque coin de l’Asie a vraiment un imaginaire collectif fort et ancré que ce soit dans le Moyen-Orient, l’Inde, la Chine ou encore le Japon. Toute la vibe de spiritualité, l’onirisme créé par ces sons-là. Il y a quelque chose qui me parle vachement, par exemple c’est le courant esthétique cyberpunk. C’est rigolo parce que ce courant ancré dans le Japon, lié à Akira, Ghost in the Shell et ce style de mangas transporte vers univers qui ouvre les portes d’un futur, d’un inconnu fantastique. On parle de l’Asie mais je m’inspire aussi énormément de l’Afrique. Les images qui nous viennent en tête à nous occidentaux sont moins variées, en tout cas lorsque l’on descend sous le Maghreb. Pourtant, l’Afrique a aussi cette vibe hyper spirituelle qui va te propulser dans l’imaginaire.
Quel est le rapport que tu entretiens entre voyage et création ?
En dehors de mes tournées je ne voyage pas vraiment. Contrairement à mon ami Thylacine qui voyage, créé en voyage, pour le voyage. Je suis incapable de faire ça. Voyager pour moi c’est être dedans. Ensuite je rentre chez moi, je digère, puis mon imaginaire sort une pâte qui donnera plus tard un morceau voire un album. Pour te donner un exemple, je suis allé au Japon pour jouer et j’y suis resté car c’était l’occasion, j’ai réalisé que l’inspiration qui me venait du Japon pour créer était totalement décorrélée de ce qu’est le Japon pour de vrai (rires). Pour mon premier EP « Morning in Japan » en juin 2013, je n’étais pas encore allé sur place, il a été créé de toutes pièces par ma tête. En 2015 l’EP « Asakusa » est sorti, plus nocturne et dansant, à l’image du vrai Japon.
Dû à son éclectisme, ton style peut aussi rappeler la nature, le vivant, avec des vibes organiques. Es-tu personnellement engagé dans un combat écologique ? Souhaites-tu que ta musique soit un vecteur de ce combat ?
Oui je suis engagé et je me sens concerné par ce combat. Tout est tellement politique, qu’on le veuille ou non. Pendant longtemps, je ne voulais pas le revendiquer et l’assumer publiquement. Ni être un porte-parole. Plus le temps passe, plus la situation s’aggrave et plus cela devient naturel d’en parler plus librement. De plus, mon amitié avec Camille Etienne m’a vachement stimulé. De la voir exploser comme elle a fait, se battre, tout en comprenant ses combats, j’ai eu envie de la suivre et de partager cette lutte. En fait, ce que je craignais le plus, c‘est que lorsque tu revendiques un message trop fort, les médias ont tendance à le substituer à ton genre « il fait de la musique engagée ». Alors que non je fais de la musique, point. Ensuite, dans un second temps, elle défend un message.
Finalement, je l’assume de plus en plus. Et pourquoi pas faire de ma musique un vecteur surtout que j’ai l’impression que la musique électronique a besoin de variété pour revenir fort, de diversifier ses messages, s’enrichir en allant sur le terrain de l’écologie. On est toute une génération à être beaucoup plus impliquée, la musique électronique devrait carrément suivre le mouvement. Surtout des mecs comme Thylacine et moi qui parlons de voyages à longueur de temps (rires).
© Ella Hermë
Ta musique a évolué du ska-punk au rock progressif pour aujourd’hui explorer divers horizons des musiques électroniques. Penses-tu parfois à retourner à tes premiers amours ?
Pour l’instant ça ne me manque pas trop. J’ai commencé par des musiques de groupe, que j’aimais bien faire avec les copains parce que c’est l’accroche la plus facile en termes matériel et d’apprentissage : t’achètes une guitare, tu grattes un peu, tu as la classe, les filles t’aiment bien donc c’est tout bénéf (rires). Puis mes parents ont une culture plutôt rock. Dès que j’ai eu accès à enregistrer ma propre musique avec un ordinateur je l’ai fait tout de suite. Ce qui m’appelait là-dedans, c’est le côté geek un peu solo que j’avais déjà avec les jeux vidéo. Je fais de la musique, je suis un gros geek : cela tombe sous le sens (rires). J’aime toujours écouter Pink Floyd et faire un solo de guitare mais si j’allais autre part ce serait plutôt vers du jazzy pour le plaisir de la technique. Peut-être du piano, ma résolution 2023 (rires).
Quel est ton artiste préféré, tous arts confondus ?
Hayao Miyazaki sans hésiter !
Quel est le morceau que tu préfères de tous tes albums ?
Nausicaa, qui n’est d’ailleurs pas dans un album !
Quel est ton film ou ton réalisateur fétiche ?
Mis à part les œuvres de Miyazaki, L’Empire contre-attaque ou encore Dune !
Quel est le livre que tu lis en ce moment ?
Dune justement (rires).
Ton jeu vidéo préféré ?
Je joue énormément à des jeux solos, c’est ça mes séries. En ce moment je me refais des vieux trucs du style Star Wars : Dark Forces qui date de genre 1998-2000 mais ça défonce (rires), l’histoire est ouf.
Quel serait ton feat rêvé ?
Ravi Shankar, un joueur de sitar indien qui a notamment travaillé sur les albums des Beatles, c’est le père de Norah Jones ! Mais ça s’annonce assez compliqué puisqu’il est mort…
Enfin, aurais-tu une petite anecdote de concert à nous raconter ?
J’ai demandé la main d’une nana pour un mec, qui a fait passer un mot jusqu’à mon régisseur qui me l’a donné avant le rappel. C’était pas mal en vrai, gros truc, un peu d’allégresse. Après il faut relancer ton show et c’est pas simple (rires). Elle a dit oui heureusement ! Un autre truc trop cool. Un mec en fauteuil roulant s’est fait porter de l’arrière de la salle jusqu’à la scène à Rennes, c’était trop fou ! Il est monté sur scène et tout.
Un grand merci à toi, un mot pour la fin ?
Le 24 février, l’album sort ! Prenez vos billets, les concerts vont être super cools !
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Clarisse Jaffro I 18.02.2023
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