Entre un verre de cidre et une tarte à la courgette, me voici avec Nathan, créateur et designer de la marque Retro Football Gang. Il nous accorde un moment pour nous conter une histoire : celle de sa jeune marque, originale, créative et unique. On ne peut que l’apprécier à travers son récit et son identité… Un pur régal pour les oreilles et pour les yeux. Amateurs de football et de kitsch, cet article est pour vous.
Feather : Hello Nathan, est-ce que tu peux nous parler de toi pour commencer s’il te plait ?
Nathan : J’ai 24 ans, je suis originaire des Landes et je suis le fondateur de Retro Football Gang (RFG). Si RFG était un club de foot on pourrait dire que je suis son président.
Qu’est-ce que c’est RFG ?
C’est une marque inspirée du football des années 90 et 2000 avec énormément de références sur la culture des ninetees. Niveau visuel, ça reprend le streetwear des années 90 américain et on retrouve également pas mal de références sur la musique. Plus précisément sur le rap. Que ce soit le rap français ou le rap américain.
Qu’est ce qui t’a motivé à créer ta marque ?
J’ai voulu la créer tout simplement parce que je suis un fan de foot. Donc ça c’est la base. Je suis un VRAI fan. Mon équipe préférée c’est Lyon, mais ça faut pas le dire haha.
Pendant mes études, j’ai fait des stages à l’étranger dans le secteur de la mode.
A Rotterdam, pour une marque de streetwear qui produisait des vêtements en prison dans le but de réinsérer les détenus. En Nouvelle Zélande pour une marque outdoors qui faisait la promotion du pays à travers des pièces rappelant le Ralph Lauren des années 90. Et à Barcelone pour une marque de chaussures pour femmes de style scandinave.
Ces expériences m’ont tout simplement fait prendre conscience que je voulais travailler dans des petites structures mais que je voulais aussi être dans ce secteur, la mode. Je trouve que c’est un bon moyen pour véhiculer ce qu’on aime.
Je voulais créer une marque qui me ressemblait. Vu que je suis un mordu de foot et que la musique dicte mon quotidien, j'ai voulu combiner les deux.
Et tu as su à quel moment que tu voulais te tourner vers le streetwear ?
Dès le premier stage en fait. Parce que c’était une entreprise de ce style-là et ils travaillaient avec des artistes urbains néerlandais. J’ai tout de suite aimé ça. Depuis tout petit je suis sensible à la musique urbaine aussi, donc mis l’un dans l’autre… ça collait très bien. La musique urbaine va avec le streetwear, c’était parfait.
En revanche, je ne m’étais jamais dit qu’en faisant ce stage, j’allais lancer mon activité dans ce secteur.
Tu nous parlais de rap US et rap français, est ce que tu peux me donner quelques noms qui t’inspirent dans ton processus de création ?
Dans la communication et dans le visuel côté américain, j’aime beaucoup Asap Rocky qui a su en fait, à travers son image, créer toute une symbolique. Il y a aussi Bones qui n’est pas du tout connu. C’est un rappeur américain, blanc, qui a les cheveux longs et qui ressemble à un tueur de Charleston et qui fait énormément de vidéos en VHS. Y a le côté vintage que j’aime beaucoup.
Côté français, des mecs comme Ichon, Alpha Wann ou Jazzy Bazz m'intéressent dans leur approche de création.
J’ai déjà fait deux t-shirts en reprenant des couvertures d’album. Dont celle de Nas IIlmatic qui est une des couvertures d’album les plus connues du rap.
J’ai remplacé Nas sur la cover par Ronaldinho (t-shirt Nas x Ronaldinho). On peut faire un parallèle entre les deux en terme de carrière. Ils ont excellé dans leur art respectif mais n’ont jamais réellement tenu toutes les promesses au vu de leur énorme talent. Et puis après j’ai également fait un t-shirt entre Dr Dre et Buffon en faisant pareil : reprise d’une pochette d’album, celle de Dr Dre avec le gardien actuel du PSG, Buffon.
En ce moment je développe des t-shirts reprenant des punchlines de rappeurs sur des footballeurs”.
En fait ce que tu nous dis, c’est que, ce que tu aimes dans le rap c’est une grosse partie de design, d’image, en termes de communication.
C’est l’univers même à proprement dit. Surtout maintenant : si on veut se démarquer il faut créer un univers, un concept. Et c’est ça qui m’intéresse. Le plus souvent d’ailleurs, les rappeurs qui perdurent sont ceux qui ont un univers et ça leur permet de se différencier. On le voit de plus en plus aujourd’hui : des Kanye West ou des gars comme ça, ils font de la mode, de l’architecture, ils touchent un peu à tout donc voilà.
Je m’évade un peu haha.
Est-ce que tu peux nous parler peut-être plus précisément de l’ADN de ta marque : tes valeurs, l’identité graphique, comment tu la qualifie ?
Je m'inspire du streetwear américain des années 90, des t-shirts de rock à la Iron Maiden jusqu'à ceux de rap comme Tupac. C'est très kitsch et j’aimais bien ces visuels qui étaient créés de manière un petit peu innocente.
Du coup, ça s’entremêle avec une culture hip-hop, parce que les visuels reprenaient des chanteurs ou des rappeurs. D’où les parallèles.
Et pourquoi le football des années 90 et 2000 ?
A la base je suis un gros fan de foot et les joueurs de cette époque sont intéressants. Ils sont ceux avec qui j’ai grandi. Ils sont plus charismatiques et m'inspirent plus que les joueurs d’aujourd’hui qui se ressemblent tous.
Tu as évoqué tout à l’heure, hors interview, le kitsch design, est ce que tu peux nous en dire un peu plus ? Car finalement ce concept rejoint aussi l’ADN de ta marque.
Le kitsch design, selon moi, c’est donner une approche haut de gamme, particulière (au streetwear) et propre à quelque chose qui nous paraissait ridicule il y a une dizaine ou une vingtaine d’années. C’est comment faire devenir quelque chose de « moche » en « beau » ! Les visuels des années 90’ sont qualifiés de kitsch parce qu’en fait on se réfère à quelque chose de « beauf ». C’est pour ça que certains font le rapport entre l’un et l’autre.
Donc il y a ce qui t’inspire, provenant de ta jeunesse, mais as-tu d’autres sources d’inspirations ?
Non c'est toute ma jeunesse qui m'inspire. La musique, le foot mais aussi les bas-fonds d’Internet des années 90 jusqu'a 2010.
J’ai également envie, au niveau d’Instagram, de mon site internet et des autres réseaux sociaux de créer un réel ADN s’apparentant à ces années. C’est pour cela que tu peux trouver sur mon site une rubrique Skyblog. Parce que c’est aussi assez kitsch, assez beauf. Mais ça nous rappelle une époque. Et à travers les médias d’aujourd’hui, je veux essayer de faire quelque chose de rétro qui nous rappelle cette période.
Ce qui me plait aussi, à la différence d’aujourd’hui où tous les visuels sont épurés et aseptisés, c’est qu’au début des années 2000 c’était en mode Encarta Design, t’en avais plein les yeux.
Comment défends-tu ta marque avec cette explosion des réseaux sociaux ? Quelle est ta relation avec eux face à tes propres problématiques ?
Le meilleur vecteur pour une marque de toute façon c’est Insta. Donc même si je suis pas fan de ça entre guillemets, je sais pas si j’ai le droit de le dire haha ; il est important d’être présent sur ce média. Ça permet de créer ta communauté. Parce-que tu vois, au final, je vois des personnes qui envoient des messages à RFG, parce qu’ils captent le délire, ils y sont vachement sensibles. C’est pas forcément des fans de foot d’ailleurs. Les ventes qu’on a faites à l’étranger : Canada, Etats-Unis et en Australie, ne sont pas forcément des pays de football. En revanche, ils sont sensibles à la culture des 90’. Et c’est vrai que par le biais d’Instagram, j’ai eu la possibilité de pouvoir cibler, rencontrer et entrer en contact avec des gens qui sont réceptifs.
Après, c’est un travail qui mérite vraiment d’être soigné, d’être amélioré. C’est un point qu’on essaye, avec mon équipe, de faire évoluer pour pouvoir en fait créer une identité qui soit vraiment « so » années 90 et 2000.
Instagram aujourd’hui, pour une marque avec mon identité, donc à la fois streetwear et kitsch, c’est destiné plutôt aux jeunes. Alors que ce que je vends, c’est plutôt aux 25-30 ans. Ces mecs utilisent Instagram de façon différente que les plus jeunes.
Donc il faut que j’arrive à concilier les plus jeunes qui ne connaissent pas forcément très bien ces footballeurs et ceux de 25-30 qui vont être moins sensibles à mon côté streetwear mais qui, par rapport au t-shirt, leur rappelle les faux maillots de l’époque, ramenés du bled et qui leur remémore leur meilleur joueur, tout simplement.
Au niveau de l’élaboration de tes collections, comment ça se passe ?
Au tout début j’ai vraiment voulu faire une collection sur des joueurs qui me plaisaient. Donc j’ai ciblé 8 joueurs. J’ai fait cette première collection sur laquelle j’ai eu de bons retours. Donc après je me suis dis « pourquoi ne pas continuer ». Pas en s’éparpillant sur plein de joueurs ou clubs différents mais plutôt en faisant des t-shirts sur un club en particulier. Donc j’ai commencé par des collections capsules.
Même si RFG c'est une marque de t-shirts, on veut qu’elle ait un processus de création similaire aux marques de streetwear. Pour la nouvelle collection sur le Barça on est allé à Barcelone faire le shooting. L'approche est plus celle d'une marque de streetwear qu'une marque de t-shirt. On a fait le lookbook et le shooting dans le quartier du Raval, qui est un quartier populaire de Barcelone où il y a énormément de pakistanais, énormément de vie, c’est un quartier commerçant hyper dynamique.
On a comme objectif de faire une collection tous les mois. Je sais que c’est très ambitieux mais je me concentre seulement sur 4 t-shirts. Je trouve ça intéressant de créer une mensualisation. D’une part à travers les collections mais aussi pour fidéliser les gens.
Comme dirait ma mère, j’ai appris à lire en lisant Onze Mondial. C’est LA revue de foot quand on avait 6 ans. Cette revue elle est importante pour moi. Elle symbolise vraiment mon époque, ma jeunesse et la manière dont on se renseigne sur les actualités foot.
Aujourd’hui, pour les plus jeunes, c’est à coup de tutos ou vidéos Youtube ou encore des sites spécialisés. Du coup j'ai envie d'incorporer cet effet de mensualisation pour donner aussi envie aux clients de voir nos nouveautés.
Comment tes idées te viennent ?
Les idées en fait c’est un mélange de nostalgie, rap, 90’, culture américaine plus le foot. Et pour les mettre à plat c’est simple, j’utilise Photoshop.
L’idée était de créer une marque autour du foot qui ne soit pas lambda et qui représente réellement qui je suis. Il y a pas mal de marques de t-shirts de foot avec lesquelles j’accroche pas. Je voulais pas faire de tees de football avec des phrases bateaux. C’est trop facile et ça ne me ressemble pas.
Avec qui créé tu tes t-shirts ?
On travaille avec un atelier basé sur Bordeaux. On marche à la commande et je ne veux surtout pas faire de surplus. C’est quelque chose d’important pour moi. Chaque produit est donc plus ou moins unique et en édition limitée.
Si tu devais nommer un ou deux joueurs qui représentent ta marque, ce serait qui ?
S’il fallait nommer le joueur qui représente le plus RFG ce serait un mix entre Tony Vairelles pour le côté rétro kitsch ; pour ceux qui ne connaissent pas c’est un joueur qui était dans le club de Lens, à côté de Lille. Il portait la coupe mulet, il a un côté très kitch et il est vrai qu’il est juste magnifique, tout comme sa famille.
Et pour la seconde partie du mix, dans le côté gang, ce serait Adriano. Alors c’est qui ?
C’est un ancien footballeur brésilien qui vient des favélas et qui a joué à l’Inter de Milan en Italie et sa vie a fait que le monde des favélas l’a rattrapé.
Aujourd’hui il bosse avec des gangs et s’est complètement retiré du football. Il a eu une toute petite carrière alors qu’il était promis à un brillant avenir. J’ai d’ailleurs fait une prochaine collection, où il y aura un t-shirt sur lui et sur ses dérives. Tant avec le monde de la nuit, que le monde des armes.
Comment tu vois le futur pour ta marque ?
Là j’ai développé une autre collection capsule sur deux clubs italiens ennemis… Je n’en dis pas plus. J’ai envie également de faire des t-shirts sur des anciens joueurs de ligue 1 et de refaire des collections capsules sur un club.
Dans un futur plus ou moins éloigné, j’ai envie de continuer à développer l’équipe, de recruter des personnes les plus compétentes, qui vont comprendre mon identité de marque. En fait je veux une équipe de foot : moi je suis le sélectionneur comme Didier qui choisit les meilleurs joueurs.
D’ailleurs je tiens à remercier l’ensemble des modèles qui jouent le jeu à fond et les photographes Louise et Nicolas qui ont capté le délire.
En termes de com j’ai envoyé des t-shirts à des rappeurs francophones JeanJass, 8Ruki, Tortoz, Dimeh et Mehdi Maizi, chroniqueur musique. J’essaye de faire de plus en plus appel à des « influenceurs ».
A terme, ce serait énorme que je propose plus qu’un t-shirt. Genre un abonnement avec t-shirt et une revue insolite sur le joueur ou le club en question.
Un grand merci à Nathan pour ce moment ! On a pu voyager sur des terrains de football, perchés dans les nuages du monde kitch !
Fanny Mielnitchenko I 25/11/18
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