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Un ptit coup de littérature érotique ?

Un jour l’un de mes profs d’histoire de l’art a déclaré « La création artistique a deux sujets principaux : la mort et le sexe ». C’est au bon souvenir de cette grande révélation, et dans un esprit printanier que j’ai décidé de vous organiser un petit voyage dans l'histoire de la littérature érotique. Et qui sait ? Peut-être qu’un peu de lecture polissonne rendra à certains d’entre vous le confinement moins solitaire !


Le Kamasutra

L’Antiquité : travaux manuels


La plupart des ouvrages antiques relèvent du guide en séduction et du coaching matrimonial, on en veut pour exemple : L'art d'aimer, Ovide (1er siècle PC). Plus un guide antique à l’attention des couples qu’une véritable source d’émoi, L’art d’aimer est considéré comme le texte le plus ancien qui nous soit parvenu autour de la séduction et des rapports amoureux. Outre sa misogynie ordinaire due au contexte historique et culturel dans lequel évolue l’auteur, c’est un ouvrage divertissant qui vous permettra d’aborder un aspect des moeurs de la société romaine.

En Asie du sud-est, on peut également citer Le Kamasutra de Brahmane Mallanaga Vatsyayana, IVe siècle. Des conseils en acrobaties prodigués par les dieux en personne, un nombre incalculable de rééditions et de gros titres ; le Kamasutra n’est plus à présenter. Là encore il s’agit surtout de porter conseil aux jeunes gens de l’époque : comment trouver une épouse, séduire l’épouse d’autrui, être un bon amant ou une courtisane aguerrie, comment se comporter avec les autres épouses de son mari… Tous les éléments semblent réunis pour une lecture dépaysante et divertissante.

Pour les fans du mouvement oriental et les adeptes du yoga, on privilégie la version illustrée.


Le Moyen-âge comme on ne l’avait jamais vu


On a souvent du Moyen-âge l’image d’une période répressive et puritaine… C’est assez vrai, cependant on découvre avec étonnement que la frustration entraîne sur l’écrivain des débordements d’imagination. L’époque voit fleurir toutes sortes de fabliaux, tous aussi graphiques les uns que les autres, comme par exemple le Songe des Vits de Jean Bodel ( XII ème siècle ). Ces fabliaux généralement écrits en vers, sont souvent truffés de boutades grivoises sur le clergé.

En pleine célébration du concept d’amour courtois, on voit aussi la publication de romans plus poétiques tels que Le roman de la rose de Guillaume de Lorris. Le sujet : l’initiation amoureuse. Si l’auteur a volontiers recours à la métaphore, ses intentions ne sont pas bien difficiles à décrypter.


Le Roman de la Rose (Guillaume de Lorris) par J Paul Getty Museum Ludwig XV (vers 1405)

Le siècle des Lumières : philo et libertinage


Le siècle des Lumières voit apparaître la notion de libertinage, un allègement des moeurs qui transparaît dans les arts et les lettres. Denis Diderot, créateur de l'encyclopédie, philosophe et critique d’art, fait paraître anonymement un roman “licencieux” en 1748, Les bijoux indiscrets.

Cependant si l’on met “érotisme” et “XVIIIème” dans la même phrase, c’est à La philosophie dans le boudoir du Marquis de Sade que l’on pense immédiatement. Le texte prend la forme d’une pièce de théâtre mais ne sera (sans doute) jamais joué, cependant Sade aurait essayé de le faire mettre en scène suite à banqueroute, après la Révolution. On y suit l'éducation sexuelle et philosophique de la jeune Eugénie par lesquels, entre deux scène clairement pornographiques, les protagonistes discutent de sujets tels que la religion ou encore la politique. Il faut être aussi curieux que courageux pour se frotter à Sade qui semble s'évertuer à rejeter toute morale. L'auteur est une personnalité sulfureuse (voire peu recommandable) que les artistes des siècles suivant (notamment les surréalistes) auront tendance à idéaliser. Au cours de sa vie Sade fera de nombreux séjours en prison pour des motifs divers et variés : flagellation, tentative d’empoisonnement d’une prostituée, écriture d’ouvrage à caractère pornographique.. et si les violences conjugales ne figurent pas parmi les motifs de ces incarcérations répétées, elles sont à la source de son divorce.


La Philosophie dans le Boudoir (Sade,1795).jpg

Le XIXème siècle et les romantiques


Le XIXème siècle est en dualité permanent entre le progrès et la nostalgie, le romantisme et le réalisme, la police des moeurs et les maisons de plaisir.

Les oeuvres à caractère licencieux voire érotiques ne manquent pas. On retient, entre autres, Gamiani ou Deux nuits d'excès d’Alfred de Musset (1833) dont le personnage d’Alcide y compte avec foule de détails ses amours trioliques avec l’insatiable comtesse Gamiani et Fanny, une jeune ingénue. C’est un récit torturé et fort en dialogues, sur les affres de la passion charnelle. Ou encore La Vénus à la fourrure de Léopold von Sacher Masoch (1870), roman semi-autobiographique qui relate la relation de l’auteur avec sa maîtresse, la princesse Anna de Kottowitz. Si Sade est un dominant, Masoch est un dominé et comme vous l’aurez deviné, son oeuvre donne naissance au terme de masochiste. La notion de plaisir tiré de la souffrance n’est alors pas nouvelle mais Sacher-Masoch marque par sa description franche et précise de ce type de rapports.



VeÌnus à la Fourrure (Léopold von Sacher Masoch) / Rivage Poche


Les temps modernes...


En 1905 (du moins en France), l’Eglise et l’Etat divorcent. Début 1920, les femmes jettent leurs corsets. Sur 1968 souffle un vent de libération sexuelle, la société se décoince au fil des décennies et la littérature s’emballe.


Parmi les livres qui ont retenu notre attention, il y a Le con d'Irène (1928), que Louis Aragon - membre du mouvement surréaliste - a d’abord publié sous un pseudonyme, qui fera scandale. Aussi sulfureux que poétique ce texte fait l’éloge du sexe féminin. Aragon maîtrise la métaphore sensuelle, il est éloquent mais jamais prétentieux, ainsi le lyrisme de sa prose évite le kitch. En 1943, Jean Genet explore les amours homosexuels et le milieu carcéral dans Notre-Dame-des-Fleurs. On ne sait plus où donner de la tête entre J’irai cracher sur vos tombes de Boris Vian, mi-thriller mi roman polisson dénonciateur de la ségrégation américaine, le Septentrion de Louis Calaferte, et le très subversif Lolita de Nabokov.

Les femmes sont alors de plus en plus publiées : Marguerite Duras et L'Amant, Françoise Rey connue pour La femme de papier, ou Catherine Millet qui fit défraye la chronique en 2001 avec le roman quasi-chirurgicale de sa propre vie sexuelle. Certaines d’entre elles font autant sensation dans l’édition qu’au cinéma comme Pauline Réage (de son vrai nom Dominique Aury) avec l’adaptation d’ Histoires d'O qui a pour sujet les soumissions et le masochisme.


L’érotisme est un genre tantôt sombre tantôt badin, qui flirte avec la sociologie et la psychanalyse. Quelque soit vos préférences, c’est une source inépuisable de contenu qui vous occupera sûrement longtemps.


 

Maeva Gourbeyre I 24.04.2020


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